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Surtensions

Olivier Norek (Michel Lafon/Pocket)

mercredi 21 juin 2017, par FERRE

Éviter la redite, quand d’autres se contentent de faire chauffer la photocopieuse. La volonté est tout à l’honneur d’Olivier Norek, bombardé auteur à succès – amplement mérité – avec ses deux premiers romans, Code 93 et Territoires. Il revient ici boucler (ou pas ?) sa trilogie sur le capitaine Victor Coste et son équipe de la brigade criminelle de Seine-Saint-Denis en se gardant de tout surplace.

Effectivement, l’affaire commence derrière les barreaux. Et d’emblée un détenu en torche vivante, un tabassage en règle dans la cour de promenade, un viol collectif sous la douche. La routine du Centre pénitentiaire de Marveil. Roman de prison, sans fioriture, piste explorée 50 pages durant. Norek assure, sec et noir, bien dans le genre, ne déborde pas des murs. Soit.

Mais changement tout soudain et retour en terrain conquis, avec Coste et ses troupes, mobilisés sur une histoire d’enlèvement avec demande de rançon. Il s’agit d’un gamin kidnappé parce qu’il est juif. Sujet sensible. Norek s’était formidablement bien tiré d’un autre, dans Territoires, avec mairesse achetant la paix sociale dans les quartiers façon Serge Dassault, mais n’hésitant pas à jouer les incendiaires quand la manipulation peut être rentable. Politiques vérolés, petites frappes sans foi ni loi, dommages collatéraux à tous les étages, et tout le monde à son tour victime et bourreau. Norek réussissait un constat impeccable dans l’équilibre casse gueule. Là, Norek semble plus distant, osant ouvrir le dossier de l’antisémitisme en banlieue, mais pour n’en pas dire grand-chose. Juste un enchaînement de faits, qui se terminent mal, laisse le commandant et ses hommes interdits, d’accord. Mais quoi ? Et puis pourquoi 100 pages de ce calibre pour ne garder qu’un lien ténu avec la suite ? Car l’histoire bascule à nouveau dans la maison des otages, avec grand banditisme corse, avocat retors et hold-up grand risque. Plus une étrange parenthèse de justice expéditive sur pédophile. C’est autre chose encore, un exercice plus classique, dont Norek se sort au savoir-faire mais sans supplément d’âme, avec final droit dans le mur histoire de ne pas placer son lecteur trop en zone de confort.

Le tout fonctionne donc comme un empilement de styles au service d’une intrigue où quelques personnages jouent les fils rouge mais sans que rien ne se tisse vraiment. C’est un peu bancal, et pour tout dire un tantinet décevant. Évidemment, reste les personnages du groupe Coste, attachants comme d’habitude, solidaires comme jamais. Mais sur les personnages secondaires, le trait est parfois plus grossier qu’à l’accoutumée (le nouveau commissaire, l’avocat gribouille). Olivier Norek est toujours largement au dessus du lot. Mais pour le coup, un brin en sous-tension.